La Maison du Hédas à Pau (64): Figures Imposées / Bertille Bak

 

 

extrait du film de Bertille Bak

 

Depuis plus de trente ans, la Maison du Hédas à Pau accueille des femmes de toutes nationalités. Implantée dans le quartier du Hédas (nom de l’ancien ruisseau qui serpentait autrefois à cet endroit), cette maison, ouverte au public constitue, pour ses fondatrices et animatrices, un lieu d’échanges, une plate-forme d’actions. Celles-ci ont pour principal objectif : vivre ensemble dans la cité, quelle que soit son origine, en luttant contre toutes les formes de discrimination, de violence, d’exclusion et de racisme. Territoire sans frontières où toutes les femmes ont droit de cité, cet espace de liberté offre une dynamique pour sortir de la galère et accéder aux droits fondamentaux. Car, d’où qu’elles viennent, toutes les femmes se ressemblent et sont souvent les premières frappées par le chômage, la discrimination et la précarité. À la Maison des Femmes, salariées, militantes, interprètes les reçoivent et les reçoivent et les accompagnent dans leurs démarches administratives ou leurs demandes d’obtention d’asile. Toutes participent à des ateliers artistiques, avec une plasticienne qui intervient de façon régulière, et à des ateliers de français ayant pour support d’apprentissage toute l’action culturelle locale menée en partenariat avec les acteurs culturels palois.

 

Groupe de commanditaires  Présentation du film Figures Imposées de Bertille Bak au groupe de commanditaire le soir du vernissage au Centre d'Art Plastique de Venissieux le 11 septembre 2015.

LA COMMANDE

L’équipe de la Maison des Femmes utilisent aussi les espaces publics du quartier pour créer des animations et des évènements. Leur démarche consiste à mener des projets transversaux et interculturels pour permettre aux femmes de gagner en autonomie. Voici deux ans, souhaitant poursuivre cette démarche et passer commande d’une œuvre à un artiste, elles se sont tournées vers l’action Nouveaux commanditaires de la Fondation de France et son médiateur régional, l’association pointdefuite. Elles ont émis le désir qu’un artiste puisse travailler sur cette problématique : être femme, immigrée, étrangère aujourd’hui.
Selon le protocole Nouveaux commanditaires, le médiateur leur propose de rencontrer une artiste, en l’occurrence Bertille Bak. Celle-ci viendra séjourner à plusieurs reprises à Pau et s’immerger dans cette communauté, prenant le temps nécessaire à l’observation, au recueil de témoignages, à la rencontre avec chacune des femmes. Toutes sont exilées, quelquefois sans papiers, demandeuses d’asile et immigrées.

 

L’ACTION MENÉE PAR L’ARTISTE

Au fur et à mesure des échanges, Bertille Bak comprend que leur présence en France répond à quelques invariants : nécessité de l’exil, recours à un passeur, et parfois mariage arrangé. S’engage alors le travail de Bertille Bak avec ces femmes : il s’agira de scénariser et filmer, sur un mode décalé, des morceaux de vies, en relatant par exemple de possibles préparations à l’exil. C’est cette réalité réappropriée que l’artiste met en scène dans la vidéo qu’elle intitule « Figures imposées ». Elle tourne avec toutes les femmes de l’association, dont certaines qui jouent leur propre rôle d’exilées et qui, selon les instructions de l’artiste, suivent ensemble de manière fictive un entraînement physique. Comment se préparer à voyager dans des espaces clandestins, des caches exigus ménagés dans des camions, avions ou bateaux.

 

tournage du film de Bertille Bak

 

Le tournage des principales scènes du film a lieu au camp de Gurs, en Béarn, dans les Pyrénées-Atlantiques. Ce camp de réfugiés a été construit en 1939 pour accueillir des combattants républicains de la Guerre civile espagnole. Y ont été également internés des citoyens étrangers, ressortissants des pays en guerre contre la France, des Juifs de toutes nationalités, capturés et déportés par le régime nazi ainsi que des militants du Parti communiste français et des tziganes. A l’époque, il abritait 25 baraques en bois.

 

tournage du film de Bertille Bak

 

Aujourd’hui, il n’en subsiste rien, à l’exception d’une baraque reconstituée, d’un cimetière et d’une voie ferrée dont les rails proviennent d’une ancienne voie de chemin de fer. C’est dans ce décor, grandeur nature, que Bertille Bak dirige ses « actrices » en vue de proposer un court-métrage où se mêlent réalité et fiction.

« Figures imposées » traite de la condition faite aux migrants, sujet crucial en ce début de XXIème siècle mais en réussissant à créer comme un espace mental, symbolique, onirique parfois, voire ironique. Certaines images s’attardent sur des corps immobilisés et renvoient à la statuaire, tandis que d’autres montrent des exercices physiques comme dans la dernière séquence, la reptation dans un champ labouré, longé par l’autoroute et ses trucks roulant à contre courant de la marée humaine …

 

tournage du film de Bertille Bak

BERTILLE BAK

Pratiquant une longue immersion au sein des groupes avec lesquels elle travaille, Bertille Bak appartient à cette génération d’artistes qui impliquent des individus extérieurs au champ de l’art, intégrant à son travail la dynamique tout autant que la fragilité de cette méthode.

Cette porosité avec «la vraie vie» pourrait évoquer le courant de l’esthétique relationnelle théorisée dans les années 1990 autour des travaux d’artistes comme Rikrit Tiravanija, Philippe Parreno, Carsten Höller…

Mais Bertille Bak, née en 1983, renouvelle cette démarche et la soumet à un protocole bien réglé. Elle ne recrute pas les participants de manière aléatoire mais les choisit pour leur appartenance à une communauté. C’est cette communauté qui formera le cœur du projet. Son travail commence par une phase d’immersion, et cette partie du travail doit intégrer l’épreuve de la durée et tous ses aléas. L’artiste co-écrit les scénarios avec les participants pour élaborer un film mais parfois aussi des objets produits à partir de gestes traditionnels de ce groupe, revisités et détournés.

Le propos de Bertille Bak tient dans un subtil alliage entre le vernaculaire, objets, coutumes, rituels, qu’elle collecte sur le terrain, détourne ou met en scène en artiste et non en ethnologue. S’y ajoute une dimension documentaire, qui ne cherche pas à décrire mais à signifier la réalité. L’ensemble laisse entrevoir les déterminismes sociaux ou politiques qui ont pesé sur ces vies, comme par exemple la vidéo « Transport à dos d’homme » avec les Tziganes vers Ivry, « Ô quatrième » avec la communauté de religieuses à Paris, ou plus récemment « La Tour de Babel » avec les marins exploités sous pavillon de complaisance qu’elle côtoiera durant plus d’un an à Saint Nazaire.

 Sa démarche artistique questionne la mémoire des individus, des lieux, des territoires, tissant des liens entre le passé et le présent. Son travail s’inspire des communautés qu’elle côtoie, se nourrissant des rites, objets et architectures qui les lient, les maintiennent et les font vivre. Sensible aux contextes sociaux fragilisés, elle recense et archive les traces et témoignages des populations qu’elle rencontre. Son œuvre opère dans le champ de l’intime et du collectif, parfois avec humour, attestant un profond engagement humaniste.

 

 

PARTENAIRES 
Fondation de France, Direction régionale des Affaires culturelles d’Aquitaine, Conseil régional d’Aquitaine, Fondation Daniel et Nina Carasso

 

Médiateur – Producteur : Pointdefuite/ Pierre Marsaa et Marie-Anne Chambost

 

REVUE DE PRESSE: 

>> Cliquez ici pour lire l’article d’Hippocampe Retour du Boomerang Moderne, sur le projet de Bertille Bak « Figures Imposées » organisé avec les Femmes du Hédas dans le cadre des Nouveaux Commanditaires. DATE: Octobre / Novembre 2015

>> Cliquez ici pour lire l’article d’Expressions Venissieux Libre comme l’art sur le projet de Bertille Bak « Figures imposées » et des Femmes du Hédas, dans le cadre des Nouveaux Commanditaires. Retrouvez ce projet plus en détails en cliquant ici. DATE: 23 septembre 2015